Li spès timps
Après avoir franchi la Lienne sur mon vélo, j’arrive au petit village de Hierlot.
Aujourd’hui, je regrette évidemment de n’avoir pris aucune référence concernant toutes ces personnes qui me racontaient des légendes. Mais à 15 ans, on est à la recherche des émotions et du fantastique, tandis qu’on ignore tout de ces rigueurs.
J’ai encore, logée dans un coin de ma mémoire, l’image de cet homme perplexe après que je me sois adressé à lui. Pas loin du pont qui enjambe la rivière, il a arrêté sa marche pour me parler de « li spès timps ».
De tout temps et par moments, les enfants peuvent devenir espiègles, ce qui peut réserver quelques difficultés pour les adultes. Dans l’ancien temps, on menaçait les gamins de « li spès timps. C’était une sorte de croque-mitaine supposé s’emparer des marmots turbulents.
Cet habitant de Hierlot m’a décrit « li spès timps » comme étant un homme sauvage vivant dans nos forêts. Il était possible de l’apercevoir par temps de brouillard, coiffé d’une tête de cerf à la ramure imposante.
Ce personnage du légendaire ardennais n’est pas sans rappeler Cernunnos, un dieu du panthéon gaulois. Cernunnos symbolise le cycle de vie et de mort dans la nature. Le cerf qui perd ses bois et qui repousseront par la suite. Cernunnos évoque la masculinité, la force et la virilité. On devine la crainte qu’engendre ce dieu. Il est fascinant de retrouver cette crainte en « li spès timps ».
« Li spès timps » serait un homme sauvage. Que sont donc ces derniers ? S’ils sont encore dans les traditions actuelles et orientales, ils faisaient partie du mystère médiéval et européen. Leur effigie est quelquefois fixée sur les murs de nos plus anciennes églises et cathédrales. Ce sont des hommes hirsutes, grimaçants et souvent habillés de végétation.
Marc Deglaire